Présentation subjective
J’ai deux veines romanesques.
La première est autobiographique. C’est ainsi que mon roman le plus long à ce jour traite de l’expérience de la paternité. En 460 pages, La Naissance d’un père (Allary éditions) retrace dix-huit années de vie, rythmées par la naissance de cinq enfants. Il s’agit de décrire les grossesses, les accouchements, les émerveillements du premier âge, les aléas de la la famille recomposée, les défis de la filiation, du point de vue du père.
Auparavant, j’avais publié une trilogie autobiographique, qui remontait le temps. De la supériorité des femmes raconte une séparation amoureuse à l’âge de trente ans, avec tous ses affres, ses ridicules, et l’intensité des désirs enfouis qu’elle fait surgir.
Quand j’étais nietzschéen retrace la découverte fracassante de la philosophie à l’adolescence – quand la pensée de Friedrich Nietzsche devient un alibi pour sécher les cours, se rebeller et faire les quatre cents coups.
L’Orfelin est un livre plus sombre et plus introspectif, plus ambitieux aussi, qui revient sur l’enfance et sur le deuil de mon père.
Publié en 1998, mon premier roman, Premières volontés, portait déjà sur la mort de mon père.
La seconde veine est fictionnelle. J’ai notamment écrit un dyptique sur Paris et sa banlieue.
Voyage au centre de Paris se présente comme un roman géographique. Le narrateur fait une promenade en zigzag de quatre ou cinq kilomètres dans l’hypercentre de Paris, qui le mène des jardins du Luxembourg au quartier du Temple. Il évoque les histoires secrètes de cette ville, les catacombes, les promenades sur le toit, et se prépare en pensée à rejoindre une femme, à laquelle il a une annonce délicate à faire.
La Muette propose un tout autre voyage, en banlieue. Ce titre est emprunté au nom d’un lieu de mémoire, un peu méconnu : la cité de La Muette à Drancy. Cette cité, autrefois camp de d’internement et de transit vers Auschwitz, a été transformée en logements sociaux après-guerre. Elle est toujours habitée aujourd’hui et gérée par l’office des HLM. À travers les monologues croisés de deux personnages, Elsa, déportée en 1943, et Nour, un adolescent des années 2010, on découvre l’histoire singulière de cet ensemble urbain, qui devait être le fleuron de l’habitat social, et qui s’est transformé en lieu de relégation. La Muette est par ailleurs un roman qui alterne deux registres de langue résolument différents, ce qui le rend presque bilingue : si Elsa s’exprime comme une vieille dame née avant-guerre, Nour a un langage résolument contemporain.
Et aussi…
Un roman un peu à part, L’Homme qui aimait trop travailler, traite de la manière dont le travail donne du plaisir, mais également menace de se muer en addiction et de détruire la sensibilité humaine. Comme il n’est pas facile de transformer l’open space et la vie en entreprise en sujet romanesque, j’ai utilisé la trame de L’Étranger de Camus : même nombre de parties, de chapitres, le personnage s’appelle Sommer (Meursault à l’envers), certaines réparties sont empruntées à Camus, etc. L’Étranger est en effet un livre sur l’aliénation, sur le fait de se sentir étranger à soi-même. Meursault semble être plongé dans cet état d’étrangeté depuis toujours, par tempérament. Sommer l’est devenu à force de zèle, de goût de l’effort et de l’efficacité.
Être sur terre, et ce que j’en retiens, mon second roman publié à l’âge de vingt-six ans, un peu expérimental dans sa forme, raconte l’histoire de deux amis, Francis et Baptiste, qui se retrouvent pour fêter la prescription du crime qu’ils ont commis ensemble dix ans plus tôt. Mais ce dîner fait ressurgir le passé…