Presses Universitaires de France, Collection « Perspectives critiques », 2001.
Nouvelle édition revue et augmentée, J’ai lu, 2012.
160 pages.
ISBN : 978-2290038918
L’extrait
« La littérature moderne est imbibée. Non seulement la plupart des auteurs boivent, mais ils écrivent sous et sur l’influence de la boisson. L’alcool irrigue toutes les veines, il coule à flots dans tous les genres. Les poètes chantent l’ivresse – à l’instar de Charles Baudelaire, d’Arthur Rimbaud, de Paul Verlaine, des décadents buveurs d’absinthe, de Guillaume Apollinaire… Les romanciers font apparaître dans leurs fictions d’innombrables personnages d’alcooliques – et l’on oubliera difficilement les héros de L’Assommoir, de Sur la route, du Marin de Gibraltar, d’Au-dessous du volcan, etc. Il n’est pas jusqu’au théâtre, où les contraintes du jeu d’acteur auraient pu imposer une retenue, qui n’ait sacrifié à ce désir de montrer des êtres titubant, tenant des discours approximatifs, se livrant à des actes fous – comme les protagonistes des pièces d’Eugène O’Neill, de Bertolt Brecht ou de Tennessee Williams. Les apparitions de l’alcool sont si nombreuses, les approches si variées qu’il paraît impossible d’en dresser un inventaire complet. Contentons-nous de cette règle générale, qui admet peu d’exceptions : dans les œuvres modernes qui comptent vraiment, l’alcool occupe une place de premier plan. L’objectif de cet essai est de saisir les causes et les enseignements qu’on peut tirer d’un tel état de faits. »
Le thème
De Baudelaire à Bukowski, l’alcool connaît un âge d’or en littérature. Mais qu’ont les écrivains à nous apprendre sur l’expérience de la boisson ? Et surtout, quelles sont les différences entre l’alcoolisme épisodique, accompagné de brèves montées d’ivresse qui libèrent la parole et le geste, et l’alcoolisme continu, qui devient, pour ceux qui s’y livrent, un destin ? C’est que la fréquentation de l’alcool ne ressemble pas à celle des stupéfiants. L’alcool ne déforme pas les formes et les couleurs ni ne nous emmène, contrairement aux hallucinogènes, dans des univers oniriques. Par contre, il nous fait voir autrement notre réalité.
Revue de presse
Michel Contat, Le Monde des Livres, 7 décembre 2001
« Alerte petit essai bien noir d’un jeune homme qui réussit à être à la fois scolaire (dans le sens anglo-saxon d’« érudit ») et batailleur. Il envisage chez les écrivains modernes la pratique ordinaire de la consommation d’alcool. De Baudelaire à Bukowski en passant par Duras, Dylan Thomas, Antoine Blondin, Guy Debord et quelques autres, chacun a dû finalement choisir entre l’alcoolisme continu (ou suicide différé) et l’abstinence (perte du désir). La conclusion est que ‘‘se noyer dans l’alcool est un choix désormais sans avenir, car l’alcoolisme n’a plus aujourd’hui valeur de transgression’’ et ‘‘face à la réalité du désespoir, les livres tombent comme des douilles vides’’. »
Bernard Morlino, Lire, octobre 2001
« L’essai d’Alexandre Lacroix, Se noyer dans l’alcool ? (Puf) témoigne que l’alcool contribua au renouvellement de la littérature depuis la fin du XIXe siècle. La boisson modifia à la fois le mode de vie des écrivains et leur style, même si les phrases courtes cèdent parfois la place aux formules alambiquées. Pour lire certains chefs-d’œuvre, d’appellation contrôlée, la composition du cépage serait la bienvenue. Rares sont ceux qui arrivent à lire Le bruit et la fureur de William Faulkner sans éprouver un flagrant hermétisme… »