Un point dans le ciel

Flammarion

2004.

242 p.

ISBN : 9782080687166

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L’extrait


« Le signal lumineux qui ordonne de rester assis, la ceinture attachée, s’éteint enfin. Alice se lève. Les passagers se dirigent, en cohue, vers l’extrémité de l’allée centrale. Elle suit le mouvement. Il faut franchir une sorte de sas aménagé dans une cloison de feutre noir. Par là, on accède à l’espace réservé à la fête.

Alice découvre en même temps que les autres le décor conçu pour ces soirées. Elle s’attendait à quelque chose de plus grand, de plus spectaculaire. Dans les discothèques qu’elle connaît, les plafonds sont hauts, on a plus ou moins le sentiment de se trouver au fond d’une fosse. Ici, on se croirait plutôt dans un salon, ou un hall d’hôtel. Les hublots n’ont pas été cachés, ils sont surmontés de petits spots. La piste de danse est couverte d’un plancher de bois vitrifié, très glissant. Au centre, il y a une cage en bambous circulaire, dans laquelle est déjà installé le disc-jockey, à peine visible au milieu de ses platines et amplis. Au plafond ont été accrochés des projecteurs mobiles, pivotant sur leurs axes. Leurs rayons s’entrecroisent ; sur les lames de hêtre clair, oscillent des disques de lumière colorés.

Alice regarde à la dérobée les femmes autour d’elle. Plus âgées, elles sont aussi davantage parfumées, ornées, agressives. »

L’histoire


Cent vingt passagers ont embarqué à bord d’un Boeing 747. Ils ont quitté Paris, à destination de San Francisco. Il s’agit d’un vol spécial : la cabine de l’avion a été transformée en boite de nuit, avec jeux de lumière, sono et bar. Ces passagers sont venus là pour danser, à dix mille mètres d’altitude. On suit, tout au long de la soirée qui va crescendo, le parcours de six personnages, quatre hommes et deux femmes. Immergés dans cette fête insolite, ces six-là circulent, se rencontrent, s’opposent, se dévoilent progressivement. Malheureusement, leur insouciance ne va pas durer : vers la huitième heure de vol, survient un imprévu…

Un point dans le ciel offre une version contemporaine du naufrage du Titanic. Alexandre Lacroix nous invite à entrer dans un univers allégorique, où l’avion suspendu dans la nuit évoque l’exubérance et la fragilité de notre société.

Revue de presse

Héléna Villovitch, Elle, 27 septembre 2004

« Y’a-t-il un pilote en cet avion ? Oui, et un bon. Si chacun des romans d’Alexandre Lacroix, jeune auteur de 29 ans, est radicalement différent du précédent, c’est qu’il trouve toujours un nouveau sujet original et passionnant à traiter. On se souvient de La Mire, paru l’année dernière, où des guérilleros urbains tentaient d’éradiquer la télévision de la surface de la terre. Dans Un point dans le ciel, Alexandre Lacroix construit un huis-clos dans un Boeing au-dessus de l’Atlantique. Il y place des personnages venus de divers horizons, tels que Martial, jeune professeur à la vie étriquée, Alice, qui a gagné sa place à un concours, et Max, bobo désabusé qui essaie d’être méchant. Tous sont différents, mais tous sont animés par une même volonté : s’amuser ! Et bien sûr, c’est pathétique. Car on ne s’amuse pas sur commande, même si on a payé très cher sa place. L’avion-discothèque, car il s’agit d’un concept de distraction dansant, polluant et onéreux, poursuit sa route, et ses occupants révèlent, selon les cas, le meilleur ou le pire d’eux-mêmes. Leur vie défile sous nos yeux. Oui, c’est un roman sociologique qui comporte d’ailleurs une amusante digression intitulée « Idéologie du curriculum vitae ». C’est la nouvelle preuve que la littérature doit compter avec Alexandre Lacroix. La prochaine fois que vous entendrez un avion passer au-dessus de votre tête, vous ne pourrez pas vous empêcher de penser à lui. »

Jean-Claude Perrier, Livres-Hebdo, 25 juin 2004

« Depuis ses débuts, les romans d’Alexandre Lacroix évoluent vers la parabole, genre peu commun, qui lui permet, en moraliste, de dénoncer certains travers de notre société. Avec « Un point dans le ciel », il met en scène de façon dynamique et moderne une sorte de comédie humaine, si superficielle et dérisoire qu’elle ne peut s’achever que par le châtiment suprême : le crash.

Voici donc, embarqués dans un 747 à destination de San Francisco, affrété par une entreprise organisatrice « d’événementiel » pour la jet set, une centaine de passagers. Quelques people, pas mal d’anonymes qui ont acheté leur billet, quelques couples illégitimes, et aussi la gagnante d’un concours. L’idée c’est que, l’avion agencé en boite de nuit, le vol ne soit qu’une longue fête techno. S’amuser, danser, boire, s’envoyer en l’air en plein ciel, voici qui n’est pas banal. Mais surtout, des rencontres vont avoir lieu, entre des gens qui, d’ordinaire, n’auraient jamais dû se croiser. Et des liens se nouer, qu’un destin cruel rendra éphémères : ainsi d’Alice et de martial l’infirme, celui dont personne ne veut, qui tombent, eux, sincèrement amoureux. Ô ironie, Martial le paria (mais aussi l’intellectuel, professeur de philosophie) sera le seul à se sortir vivant du crash…
L’intrigue est originale, et Alexandre Lacroix mène son affaire avec beaucoup de virtuosité. Astucieux, il ne s’est pas lancé dans un récit linéaire, ni des allers et retours sur les mêmes personnages, qui eussent été fastidieux. Il a préféré, dans de courts chapitres, suivre leurs errances ou leurs retrouvailles, reconstituer leurs pensés, en temps réel. Roman-collage, on y trouve même les CV des principaux protagonistes, une tentative graphique de noter la techno qui passe en boucle dans la carlingue, ou encore la retranscription des fameuses boites noires, qui retracent les dernières minutes du vol. La morale de cette histoire, on la perçoit aisément : la fragilité de l’humaine destinée, la vanité de nos entreprises (surtout les plus futiles), la menace permanente de la mort au- dessus de nos têtes. Quant aux intentions éventuelles du romancier, chacun les décryptera selon sa propre nature: les jouisseurs s’étourdiront plus encore, les mystiques se retireront à la Trappe, les autres prendront un livre, en attendant le crash. »