Ce qui nous relie

Allary éditions, 7 janvier 2015, 291 pages, ISBN : 978-2370730664

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L’extrait


« Cédant à la morosité, si ce n’est à l’atmosphère de déclin de l’Europe contemporaine, il m’arrive parfois de regretter que, depuis ma naissance, le train de l’Histoire ne soit pas passé. Il y a certainement des périodes qui vous transportent, qui vous appellent, qui vous soulèvent, qui balayent les occupations un peu égotistes et paresseuses auxquelles la paix et le confort vous réduisent. Ainsi, j’imagine qu’il a dû être exaltant de participer à la découverte de l’Amérique, à la Révolution française, aux conquêtes napoléoniennes ou à la chute du Mur de Berlin. L’inconvénient des époques sans heurts, c’est qu’elles recroquevillent. Elles favorisent le carriérisme davantage que l’ambition, la gestion davantage que la politique, le recyclage davantage que la création. Ce sentiment d’être arrivé trop tard, d’être assigné à résidence dans une zone terne de la succession des siècles, est répandu, je crois, chez les gens de ma génération. Cependant, il est possible que nous ne nous laissions aller à cet auto-apitoiement, à ces lamentations, que par manque de sens historique réel. D’autres fois, je me dis au contraire que nous avons eu la chance d’être les spectateurs d’un bouleversement de premier ordre, puisque nous avons été les contemporains de ce que certains observateurs ont judicieusement nommé la ‘‘troisième révolution du signe’’. »

Le thème


En 1989, le chercheur britannique Tim Berners-Lee inventait le World Wide Web. Bien qu’il ne soit guère connu du grand public, car il n’a pas cherché à breveter son invention, à devenir riche ni célèbre, Berners-Lee pourrait à bon droit reprendre à son compte cette phrase presque délirante de Friedrich Nietzsche : « Je prépare un événement qui, selon toute vraisemblance, va briser l’Histoire en deux tronçons, au point qu’il faudra un nouveau calendrier, dont 1888 sera l’an I » (brouillon de lettre adressée à Georges Brandes, décembre 1888). Oui, il y a bien un avant et après le réseau mondial, qui a fait apparaître sur la scène de l’Histoire une humanité connectée. L’ambition de ce livre, à travers un out du monde et trois rencontres – avec l’activiste Julian Assange, le milliardaire de la Silicon Valley Peter Thiel et le « conspirationniste » Philippe –, est de faire le point sur ce qui a changé, sur le plan politique mais aussi existentiel. Et d’essayer de réfléchir à la suite des événements.